mercredi 27 août 2014

9ème concept, de l'identité graphique du festival aux ateliers collaboratifs.

Le collectif 9ème Concept est un des piliers du festival Black & Basque. Présent depuis sa première édition, les artistes du collectif accompagnent le festival, toujours plus créatifs et innovants au fil des années. Ils reviennent pour la 4ème édition et nous réservent de belles surprises.

Présentation et interwiew de Clément Laurentin, créateur de l’identité visuelle du Black & Basque et membre du 9ème Concept.

Après des études d'arts appliqués à l'école Boulle, Clément rejoint le 9ème Concept en 2001 et intervient dès lors en tant qu'illustrateur, graphiste, puis directeur artistique sur de nombreux projets du collectif. Dans son travail personnel, il oppose souvent plusieurs lignes graphiques et sémiologiques, évoquant ainsi la dualité ou la multiplicité comme les reflets d'un tout. Il joue avec des motifs issus de différents patrimoines culturels, les faisant cohabiter afin de créer des « images métisses ». Sa ligne peut être réfléchie ou spontanée, ancrée dans le réel ou onirique, les contraires s’y côtoient et révèlent une recherche constante d'équilibre.

Dès la première édition Black & Basque en 2011, Clément a su donner une identité visuelle forte au festival, sortant du classicisme des affiches de ce type d’évènement. Le logo et les affiches évoquent l’histoire des musiques black et basques.

Comment construis-tu l’affiche chaque année ?
CL : « C’est un travail très long et qui demande beaucoup de recherches.  Toute la typographie est scannée, lettre par lettre. Nous prenons des anciennes revues, affiches, et autres documents d’époque nous rappelant des groupes et des sons, et nous en extrayons les typos.  Ensuite nous les assemblons et chaque nom de groupe est construit comme un mini logo.»

Et pour le logo ?
CL : « Pour le logo Black & Basque, c’est le même procédé. J’ai en plus voulu que cela rappelle les affiches et ambiances du Rythmes’n’Blues. »

Comment donnes-tu cet effet vieilli ?
CL : « J’ajoute un grain pour patiner les lettres et les photos des artistes. Le fond de l’affiche est aussi un vrai papier vieilli qui est scanné. C’est un montage très fin et très long. »

Cette année, le collectif 9ème Concept a eu de nombreux projets. Est-ce que tu peux en citer quelqu’un ?
CL : « 9ème Concept a participé à une grosse résidence d’artistes à la Tour Pleyel. Nous avons investi tout le 25 ème étage, et durant une semaine 9 artistes du 9ème ainsi que 13 artistes invités ont transformé lieu. Tu peux voir ce travail dans la vidéo de Jules Hidrot (aussi du 9ème Concept et chaque année à Black & Basque pour filmer et photographier le festival). Nous travaillons aussi pour le Google Cultural Institute, lancé par Google, qui propose aujourd’hui aux internautes une nouvelle façon de découvrir le Street Art directement sur Internet. En France, Le 9eme concept fait parti des 6 partenaires avec LE MURGraffiti GénéralStreet Art 13MoSA (Museum of Street Art) et le Palais de Tokyo. Dans cette optique le 9eme concept a créé 13 expositions numériques, illustrées de plus de 800 visuels et vidéos, présentant les œuvres et projets majeurs du collectif. Il y a eu aussi le projet Scratch paper, le grafitti collectif et beaucoup de choses en 2014 que j'oublie certainement de citer ! Tout est sur notre site http://9eme.net
Enfin,il ne faut pas oublier que toute l’année nous faisons les enregistrements de « Quoi de 9 ? Nous avons déjà reçu des habitués du festival tel que Loik Dury ou tonton RKK. »




Pour comprendre encore mieux le travail du 9ème Concept et son histoire, un texte de Renaud Faroux, historien d'art.

LE 9eme CONCEPT : UNE CRÉATIVITÉ TRANSDISCIPLINAIRE 

http://maxmugen.com/wp-content/uploads/2013/05/9eme-concept.jpg
Dans la mouvance des groupes d’artistes apparus en France dans les années 1970-80 comme “Bazooka”, “Les Musulmans fumants”, “Les Frères Ripoulin”, “Banlieue-Banlieue”, une dizaine d’années plus tard, le “9e Concept” occupe à son tour une place éminente. C’est dans la Ville-Lumière que ce collectif démarre son aventure sous l’impulsion de trois amis, Stéphane Carricondo, Ned et Jerk 45 après leur rencontre avec Mike Sylla, une figure incontournable de la vie artistique parisienne. Leur nom de collectif, qui n’est pas sans évoquer l’univers futuriste de L’Incal de Jodorowsky et Moebius, vient d’ailleurs du titre d’une bande dessinée réalisée par Ned à l’époque…

Lorsque le groupe se cristallise et prend véritablement son envol, les protagonistes s’ouvrent à toutes les influences artistiques : traditionnelles, avec la peinture de chevalet, la gravure, l’affiche ; classiques, avec le dessin anatomique et le portrait ; tribales, avec l’art préhistorique, les masques africains, les peintures chamaniques, sans négliger la scène contemporaine européenne avec les artistes de la Figuration narrative, de la Figuration libre et de la Transavanguardia. Ils sont aussi les enfants des stars des mouvements underground américains comme Futura 2000, Keith Haring ou Robbie Conal… Ils proposent alors une synthèse aboutie des audaces de leurs prédécesseurs dans un prodigieux désordre de tentations diverses, a priori inconciliables, mais qu’ils mixent à merveille. Certains gardent un goût assuré pour des images politiques à fort impact visuel dans la continuité de celles de Rancillac ou de Erró. D’autres empruntent à Di Rosa sa vision globale du monde et des artistes et artisans qui le composent. Ils se retrouvent tous avec Basquiat dans une spontanéité brute chargée de références aussi bien au monde de la rue qu’à celui de la musique. Ce qui caractérise en premier lieu leurs démarches esthétiques, c’est cette fusion savoureuse d’art ethnique fait de tatouages, de photographies anthropologiques, de références à l’art aborigène et de créations typiquement urbaines qui s’inscrivent élégamment dans la mouvance artistique contemporaine comme la BD, le graffiti, le graphisme, la mode, le design, la photographie et même la télévision. Ils sollicitent toutes les formes diverses et modernes de l’art urbain : la publicité, les happenings, les décors de plateaux, les installations, les concerts, les festivals… et vont faire appel à leurs côtés à des artistes de différents domaines. Aux fondateurs du collectif se sont très vite joints d’autres interprètes : Mambo, Alëxone, Anhkone, Clément Laurentin, Big Jul, Romain Froquet, Jeykill, Veenom, Olivia de Bona, Mast, Méry, et bien d’autres… Sans oublier les musiciens, vidéastes, DJ qui les suivent dans leurs manifestations, Freddy Jay en tête ! Malgré la diversité de leurs origines, leurs créations insolites et singulières restent surprenantes par leur unité plastique ! Mais chez eux, comme chez les vrais créateurs, “l’érudition est un savoir sans rigueur” pour citer Picasso, car leur spécificité est aussi de vouloir sortir l’art des musées pour le rendre accessible au plus grand nombre.

Dans le même esprit, les membres du collectif vont aussi s’impliquer dans la vie de la cité. Ils recherchent un rapport interactif avec le public de tous les âges comme ils l’ont brillamment démontré lors de la fameuse exposition “Peinture fraîche” au Centre Pompidou, à la Street Biennale de Rio, ou encore récemment au festival “Black & Basque” de Bayonne ou “Open the Door” à Houston (Texas). Au cours de ces manifestations, les artistes du 9e Concept proposent souvent des canevas, des trames, des ossatures artistiques qui invitent les spectateurs à réagir, à participer à l’œuvre en train de se faire. Par là, ils permettent des dialogues uniques entre professionnels et amateurs, des rencontres fructueuses entre artistes et profanes. Une des autres démarches fortes du collectif se retrouve dans son rôle de formateurs auprès d’artistes de la nouvelle génération qu’ils invitent en résidence à leur atelier.

Les artistes du 9e Concept proposent un style personnel qui met en avant leurs qualités distinctives à l’intérieur même du groupe. Mais il est difficile de résumer de façon concise une esthétique globale, car comme disait
Braque : “Il n’est en art qu’une chose qui vaille : celle que l’on ne peut expliquer.” L’esprit foisonnant qui préside à toutes leurs activités fait qu’ils ne sont pas seulement dessinateurs, peintres, graphistes, décorateurs, musiciens, photographes, publicitaires, vidéastes… mais de véritables pilotes, des conducteurs, des passeurs d’art. On trouve dans leur démarche collective une ouverture d’esprit, une générosité, une émotion que l’on pourrait qualifier sans exagération de forme d’humanisme d’un nouveau genre.